≈ 3 heures et 45 minutes · Avec entracte
Dernière mise à jour: 28 octobre 2019
Christine Beaulieu mène sa vie d’actrice… jusqu’à ce que la directrice artistique des Productions Porte Parole, Annabel Soutar, forte de vingt ans de théâtre documentaire, la convainque de se lancer dans une enquête colossale sur la relation qu’entretiennent les Québécois avec Hydro-Québec. Au fil de dizaines d’entrevues, d’écumage de rapports, d’audiences publiques et de recherche sur le terrain, la comédienne s’engage dans une démarche citoyenne hors du commun.
Sa candeur, sa gentillesse et sa volonté de comprendre lui permettront de rassembler des réponses étonnantes. En cinq épisodes dans lesquels elle incarne son propre rôle (aux côtés de Mathieu Gosselin, qui interprète vingt-huit personnages), elle lie le politique et l’intime, les chiffres et l’humour, la passion amoureuse et l’autodérision.
Pour ce premier texte, Christine Beaulieu a obtenu le Prix Michel-Tremblay décerné par la Fondation du Centre des auteurs dramatiques (CEAD) et a été finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général 2018, alors que J’aime Hydro a remporté le prix du Meilleur spectacle de l’année à Montréal remis par l’Association québécoise des critiques de théâtre et connaît depuis sa création une impressionnante tournée.
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Nous vous invitons à lire dans le Cahier Quinze du Théâtre français le texte « Nous tous éclairés par l’art », un brillant « dialogue entre électrons libres autour de J’aime Hydro » imaginé par Marion Gerbier.
CHRISTINE. La première fois que l’engagement social et les décisions d’Hydro-Québec se sont présentés à moi en même temps, c’était dans le hall de la Cinémathèque québécoise, aux Rendez-vous du cinéma québécois, en février 2011. J’avais 29 ans, je sortais d’une projection de plusieurs courts métrages, dont un sur lequel j’avais travaillé. Je suis allée m’acheter une bouteille d’eau, je niaisais dans le hall, et là, des spectateurs sont sortis d’une autre salle. Y en avait plusieurs qui portaient des T-shirts avec une prise électrique qui coule, ça parlait fort, l’ambiance était très chargée… Je dirais entre la colère et le découragement. Je me suis dit « Mais quel film peut faire cet effet-là! ». J’ai reconnu une seule personne, Hugo Latulippe, qui est un cinéaste particulièrement engagé, et je sais pas du tout ce qui m’a pris, ce soir-là, mais j’ai décidé d’aller lui parler.
CHRISTINE. Allo, Hugo.
HUGO LATULIPPE. Allo.
CHRISTINE. On se connaît pas, mais je suis la cousine de Maureen. (Au public) Bon, pas rapport comme intro, vous allez me dire… mais ma cousine est une femme très impliquée socialement et elle me parlait souvent de son admiration pour son ami Hugo.
HUGO LATULIPPE. Ah, OK, elle est super, Maureen.
CHRISTINE. Je me demandais, de quel film vous sortez, de même?
HUGO LATULIPPE. Chercher le courant, c’est un documentaire sur la Romaine avec Roy Dupuis.
CHRISTINE. La Romaine?
HUGO LATULIPPE. Tu sais pas c’est quoi, la Romaine?
CHRISTINE. Non. Je connais la salade, mais… (rire) ça me surprendrait que Roy Dupuis fasse un documentaire sur une sorte de salade…
HUGO LATULIPPE. Ouin, non… c’est une grande rivière vierge sur la Côte-Nord qui va bientôt être saccagée par des barrages hydroélectriques.
CHRISTINE. Oh, OK.
HUGO LATULIPPE. L’équipe du film est allée la descendre en canot avant qu’on ne puisse plus jamais le faire.
CHRISTINE. Ah, OK, wow.
HUGO LATULIPPE. Et toi?
MATHIEU DOYON. (Sur scène, il commente l’action) Hugo regarde l’accréditation du festival dans le cou de Christine.
HUGO LATULIPPE. (Impressionné) Tu es cinéaste?
CHRISTINE. Ouin, non, pas vraiment. Pas du tout, en fait. J’ai fait un film de même, pour le fun.
HUGO LATULIPPE. Ah.
CHRISTINE. (Au public) Ouach, tsé, j’ai fait un film « de même, pour le fun ». Hugo, lui, il fait jamais des films « pour le fun », il fait tout le temps des films super engagés, qui veulent vraiment dire quelque chose pour l’avenir de notre société, comme –
HUGO LATULIPPE. (Au public) Bacon, le film.
CHRISTINE. (Au public) Sur l’industrie porcine.
HUGO LATULIPPE. Manifestes en série, Alphée des étoiles…
CHRISTINE. (Au public) Tsé, moi, la twit, j’ai osé faire un film « pour le fun »… (À Hugo) Ouin, non… je suis plus comédienne, en fait.
HUGO LATULIPPE. Ah, ouin? (Temps, il cherche) Je t’ai jamais vue. Mais tsé, j’écoute pas ben ben la TV. En tout cas, tu devrais le regarder, le film Chercher le courant.
CHRISTINE. Oui, c’est sûr et certain que je vais le regarder. (Petit froid) Bonne soirée.
HUGO LATULIPPE. Bye.
CHRISTINE. (Au public) Bon, sérieusement, avec ma bouteille en plastique, mon film « pour le fun » et mon ignorance de la Romaine, je m’étais vraiment sentie comme une deux de pique avec zéro conscience environnementale. Ça, c’était il y a six ans.
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Le texte J’aime Hydro est paru en 2017 chez Atelier 10, dans la collection « Pièces », avec des illustrations de Mathilde Corbeil. La version du texte publié est celle qui a été jouée le 22 juillet 2017, à l’Usine C, dans le cadre du Festival Juste pour rire. Une nouvelle édition augmentée de J’aime Hydro, avec une préface de Serge Bouchard, a été publiée en octobre 2019 chez Atelier 10.
JEAN LESAGE devient premier ministre, président du Conseil exécutif et ministre des Finances du 5 juillet 1960 au 16 juin 1966 et également ministre des Affaires fédérales-provinciales du 28 mars 1961 au 16 juin 1966 et ministre du Revenu du 30 mai au 8 août 1963.
Nationalisation de l’hydroélectricité
Le programme de son gouvernement est allé bien au-delà de simples réformes économiques. Ancré dans une tradition conservatrice, le Québec disposait d’une autonomie relative tant sur le plan politique qu’économique. Lesage voulait transformer les institutions et les mentalités, et la nationalisation des toutes puissantes compagnies hydroélectriques de la province devait être un « détonateur ».
Il convoqua prématurément des élections générales le 19 septembre 1962 sur le thème de la nationalisation de l’électricité. Un débat politique télévisé, le premier de l’histoire du Canada, eut lieu le dimanche 11 novembre au soir et opposa le chef du gouvernement et président du Parti libéral Jean Lesage, au chef de l’opposition et chef de l’Union nationale, Daniel Johnson. Lesage réussit ce tour de force et remporta un scrutin aux enjeux vitaux pour la province :
« Il faut rendre au peuple du Québec ce qui appartient au peuple du Québec ; son plus riche patrimoine, celui de l’électricité. Et ça presse, demain il sera trop tard. C’est maintenant ou jamais que nous serons maîtres chez nous. »
Écoutez la retransmission audio de J’aime Hydro en direct sur le site Web de Porte Parole et poursuivons la conversation ensemble…
Découvrez aussi le balado J’aime Hydro – édition 2019.
Production Porte Parole et Champ gauche
En coproduction avec le Festival TransAmériques (épisodes 1 à 3)
Avec le soutien de l’Usine C grâce à une résidence de création
Le premier épisode de J’aime Hydro a été créé au festival OFFTA en 2015. Les épisodes 1 à 3 ont été présentés pour la première fois au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, à Montréal, dans le cadre du Festival TransAmériques en 2016. L’intégrale (cinq épisodes) a été présentée en avril 2017 à l’Usine C, à Montréal.
Porte Parole crée et produit des pièces de théâtre documentaire qui traitent de la réalité contemporaine canadienne, des pièces qui invitent un large public à une réflexion critique à propos d’enjeux sociaux actuels.
Porte Parole souhaite faire du théâtre un espace public innovateur voué au dialogue démocratique, lequel entend promouvoir la curiosité, la créativité et le sens critique, tout en favorisant un contact direct entre les citoyens.
On se voit au théâtre!
Équipe de Porte Parole
Directrice artistique et exécutive Annabel Soutar
Cofondateur Alex Ivanovici
Directrice administrative Thérèse Ghobriel
Productrice Line Noël
Directrice de production Julie Brosseau-Doré
Directrice, financement privé Sophie de Fouquières
Adjointe au financement privé, Francine Proulx
Chargée des communications Rana Alrabi
Adjointe administrative Sophie Morisset
Directeur technique Normand Vincent
Consultant Joël Richard
Conseil d’administration de Porte Parole
Matthieu Sauvé, président
François Prénovost, CPA, CMA, trésorier
Sébastien Mondou, secrétaire
Alex Ivanovici
Annabel Soutar
Anne Emanueli
Mathieu Johnson
Vyara Ndejuru
Porte Parole tient à remercier La Coop fédérée, Québecor, la Fondation Eric T. Webster, la Fondation de la Famille Birks, la Fondation Famille Zeller, la Fondation Famille Rossy, la Fondation John Dobson, la Fondation Pierre Desmarais Belvédère, la Fondation R. Howard Webster, ainsi que Ratuos ULC, Oceanpath inc., Burgundy Asset Management Ltd., Gestion privée de placement Pembroke, la Fondation Gail Asper, et ses donateurs individuels.
Porte Parole souhaite aussi remercier son équipe (Joël Richard, Thérèse Ghobriel, Ginette Gauthier, Line Noël, Sophie Morisset, Normand Vincent, Yvanca Lévy, Julie Brosseau-Doré, Raphaëlle Aubin et Rana Alrabi) et son conseil d’administration (Marie-Christine Demers, Anne Emanueli, Alex Ivanovici, Mathieu Johnson, Sébastien Mondou, Vyara Ndejuru, François Prénovost et Matthieu Sauvé).
Christine Beaulieu tient à remercier tous les intervenants qui ont accepté de participer au projet : Hugo Latulippe, Roy Dupuis, Annabel Soutar, Jean-Thomas Bernard, Farès Khoury, Marc-Antoine Pouliot, Anne-Marie Prud’homme, Pierre-Luc Desgagné, Alain Saladzius, mon ancien beau-frère, mon Papa, Pierre Arcand, Éric Martel, Jean-François Blain, Jean Proulx, Bernard Gauthier, Rita Mestokosho, Jean-Charles Piétacho, Réjean Porlier, Berchmans Boudreau, Pierre Cormier, Joël Malec, Isabelle St-Germain, Philippe Bourke, Jean-Pierre Perron, Sandra Chiasson, Mathieu Rouy, Cécile Jomphe, Philippe Dunsky, Steven Guilbeault, Youri Chassin, Pierre Couture, Guillaume Demers, Jacques Gélineau, Ginette Paquet, Jean-Pierre Finet et le premier ministre François Legault.
Tous les collaborateurs : Mariflore Véronneau, Pierre Trahan, Martin Girard, Nicolas Langelier, Guy Villeneuve, Marilène Bergeron, Karine Lapierre, Martin Faucher, Denis Bernard, Danièle de Fontenay, Maureen Hayes, Patricia Beaulieu, Jean-Martin Aussant, Roger Lanoue, Pierre-Olivier Pineau, Alexandre Taillefer, Sophie Brochu, Jesse Orr, Bernard Saulnier, Jasmine Catudal, Marc Séguin, Jean-René Dufort, Jean-François Gélinas, Denise Deveau, Serge Abergel, Ariane M. Gauthier et tous les gens qui ont appuyé ce projet.
Christine Beaulieu a su, depuis sa sortie de l’École de théâtre du Cégep de St-Hyacinthe en 2003, nous épater par sa polyvalence. Au cinéma, elle s’est démarquée dans plusieurs rôles; elle a été dirigée par Simon Galiero dans La mise à l’aveugle, par Patrick Boivin dans Enfin l’automne, par Jean-François Richet dans L’instinct de mort. Elle a ensuite brillé dans Ceci n’est pas un polar de Patrick Gazé et elle s’est méritée deux nominations (Canadian Screen Awards et Gala du cinéma québécois) pour son rôle de Roxane dans le film Le mirage de Ricardo Trogi et Louis Morissette. Elle fait aussi partie de la distribution du prochain long métrage d’André Forcier, La beauté du monde.
Elle a également participé à plus d’une vingtaine de pièces de théâtre, dont Les points tournants de Stephen Greenhorn (m.e.s. Philippe Lambert), Ce moment-là de Deirdre Kinahan (m.e.s. Denis Bernard), Grain(s)/Seeds d’Annabel Soutar (m.e.s. Chris Abraham), La fureur de ce que je pense, d’après Nelly Arcan, et La vie utile d’Evelyne de la Chenelière (m.e.s. Marie Brassard), Nyotaimori de Sarah Berthiaume (m.e.s. Sarah Berthiaume et Sébastien David) et Bilan de Marcel Dubé (m.e.s. Benoît Vermeulen).
À la télévision, on a pu la voir dans Les pêcheurs, Mon ex à moi, Lâcher prise, Délateurs, District 31, Hubert et Fanny, Max et Livia et Les Simone. Christine Beaulieu est également porte-parole des Rendez-vous branchés chez Équiterre et ambassadrice des attraits touristiques de Trois-Rivières, sa ville natale.
Annabel Soutar est née à Montréal. Elle a étudié le théâtre à l’Université Princeton, décrochant un diplôme en mise en scène et dramaturgie. Sous la direction d’Emily Mann, dramaturge de renom et directrice du célèbre McCarter Theatre du New Jersey, elle a développé son approche documentaire du théâtre. Depuis 1995, elle applique cette vision aux pièces qu’elle a écrit et produit à Montréal : Novembre, 2000 Questions, Santé, Import/Export, Montréal la blanche, Seeds/Grain(s), Sexy béton, The Watershed/Le partage des eaux, Fredy, J’aime Hydro, The Assembly/L’Assemblée et Tout inclus. Elle est la directrice artistique et la cofondatrice avec Alex Ivanovici en 2000 de la compagnie de théâtre Porte Parole. En 2003, le journal Montreal Gazette a décerné à Porte Parole le titre de « Compagnie de théâtre de l’année » et, en 2015, Annabel Soutar a été nommée l’une des artistes canadiennes de l’année par le Globe & Mail.
Philippe Cyr est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM. Il fait ses débuts au Théâtre Prospero, où il signe ses premières mises en scène. En 2012, il fonde la compagnie de théâtre L’Homme allumette, avec laquelle il crée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui une adaptation du texte poétique Les cendres bleues de Jean-Paul Daoust, Selfie de Sarah Berthiaume et Le brasier de David Paquet. Il conçoit avec Gilles Poulin-Denis le spectacle Ce qu’on attend de moi, une coproduction de sa compagnie et de 2PAR4 présentée à Montréal (Théâtre Aux Écuries et Usine C), à Ottawa (La Nouvelle Scène Gilles Desjardins, par le Théâtre français du CNA et le Théâtre du Trillium) et à Vancouver (Théâtre La Seizième). Il travaille également avec d’autres compagnies pour lesquelles il met en scène Le iShow (Les petites cellules chaudes), Unité modèle de Guillaume Corbeil (La Seizième) et Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel, un texte de Gabriel Plante d’après l’œuvre de Rabelais (Théâtre Denise-Pelletier).
Pour la compagnie de théâtre documentaire Porte Parole dirigée par Annabel Soutar, il signe la mise en scène de la saga acclamée J’aime Hydro de Christine Beaulieu (présentée au CNA en novembre 2019). Philippe Cyr est aussi artiste associé à l’Usine C.
Diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, Mathieu Gosselin s’illustre sur la scène culturelle comme acteur et auteur. Il a joué dans plusieurs pièces, dont Venise-en-Québec d’Olivier Choinière, Bob de René-Daniel Dubois et Suprême deluxe de Sébastien Dodge. Il a aussi fait partie de la distribution de Caligula (remix), sous la direction de Marc Beaupré, et de la pièce Des souris et des hommes, mise en scène par Vincent-Guillaume Otis. Il a en outre collaboré avec le Théâtre de la Pire Espèce pour Ubu sur la table et Persée, dont il est également le coauteur.
Mathieu Gosselin a été interprète dans J’aime Hydro, tant sur scène que dans les versions vidéo et audio. Récemment, il a porté sur les planches de La Licorne son propre texte solo, Gros gars, prise de parole poétique et analogique.
Au petit écran, il a joué dans différentes séries (Série noire, Le Phoenix, C’est pour ça que je t’aime et M’entends-tu ?) et, au cinéma, dans le populaire film Starbuck, réalisé par Ken Scott.
Musicien autodidacte et intuitif, Mathieu Doyon a réalisé les conceptions sonores de nombreuses productions théâtrales et chorégraphiques, notamment avec le Théâtre de la Pire Espèce, le Fils d’Adrien Danse, Pupulus Mordicus, Danse K par K, Ubus Théâtre et Nuages en pantalon. Comme photographe ou vidéaste, il collabore régulièrement avec plusieurs compagnies de danse et de théâtre de Montréal, dont Mayday, la Compagnie Virginie Brunelle, La 2e porte à gauche et le Théâtre de la Pire Espèce. Depuis 2000, il est codirecteur artistique du collectif en art contemporain Doyon-Rivest, dont les œuvres ont été présentées dans de nombreux lieux de diffusion et événements au Canada, en Europe et au Mexique.