2018-11-21 20:00 2018-11-22 22:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Zukerman, Mozart, Elgar

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De nouveau! Joignez-vous à nous pour deux récitals à 19h dans la nouvelle Place Peter Herrndorf du CNA mettant en vedette des jeunes cordistes d’Ottawa. L’Orchestre du CNA accueille, de retour sur le podium et comme soliste, son bien-aimé chef d’orchestre émérite Pinchas Zukerman pour une soirée musicale où les cordes sont à l’honneur – une combinaison idéale tant pour les néophytes que...

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Salle Southam ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
21 - 22 nov 2018

≈ 2 heures · Avec entracte

Nos programmes sont passés au numérique.

Balayez le code QR à l’entrée de la salle pour lire les notes de programme avant le début du spectacle.

Dernière mise à jour: 12 novembre 2018

La Sinfonia concertante de Mozart est la première œuvre que j’ai eu le bonheur de jouer sur scène aux côtés de Pinchas Zukerman. C’était en 1999, et je venais d’achever ma première année de formation dans le cadre du Pinchas Zukerman Performance Program à la Manhattan School of Music. C’était aussi le tout premier concert que je donnais avec le Stradivarius « Sasserno », qui m’avait été prêté par la Nippon Music Foundation. Ce fut donc pour moi une expérience mémorable à plus d’un titre. Je me réjouis tout particulièrement de revenir à Ottawa maintenant, près de 20 ans plus tard, pour interpréter ce qui reste à mes yeux l’une des œuvres les plus belles et touchantes du répertoire pour violon/alto avec mon mentor et un orchestre qu’il a aidé à façonner pendant tant d’années.

Répertoire

Ernest Chausson

Poème pour violon et orchestre, op. 25 (Gabrielle Després, violon) (16 minutes)

Paris, 20 janvier 1855
Limay, près de Nantes, 10 juin 1899

Quand le nom d’Ernest Chausson fait surface dans les cercles musicaux, c’est généralement parce que la conversation porte sur les compositeurs ayant connu une mort insolite. Dans son cas, c’est un accident de bicyclette qui lui a coûté la vie, à 44 ans; fonçant tête première dans un mur de briques, il a été tué sur le coup. Aussi singulier que cet accident puisse paraître, Chausson n’en était pas moins un homme d’un grand sérieux, un compositeur qui alliait le romantisme, la sensualité, le mysticisme et une discipline toute classique pour forger un style qui n’appartenait qu’à lui. Il était l’une des étoiles les plus brillantes qui orbitaient autour de César Franck, mais professait aussi ouvertement une grande admiration pour Wagner, une hérésie musicale à l’époque. Toutes ces qualités se retrouvent dans son œuvre la plus célèbre : le Poème pour violon et orchestre.

Chausson a écrit le Poème pour le grand violoniste belge Eugène Ysaÿe, qui l’a créé le 27 décembre 1896 à Nancy. L’œuvre s’intitulait à l’origine Le Chant de l’amour triomphant, titre que Chausson avait emprunté à une nouvelle d’Ivan Tourgueniev, l’un de ses écrivains préférés. L’introduction du Poème est sombre et nimbée de mystère. De la grisaille mélancolique émerge un long thème sinueux confié au violon solo, avant d’être repris par les violons de l’orchestre. Plusieurs idées secondaires sont aussi exposées, mais c’est le thème initial qui est le plus abondamment développé, et c’est celui que Chausson réserve pour atteindre le sommet émotif de l’œuvre, joué par le tutti orchestral avec un pathos tout wagnérien.

Traduit d’après Robert Markow

WOLFGANG AMADEUS MOZART

Sinfonia concertante pour violon, alto et orchestre en mi bémol majeur, K. 364

Salzbourg, 27 janvier 1756
Vienne, 5 décembre 1791

La sinfonia concertante est essentiellement un concerto classique pour plusieurs solistes (de deux à quatre, habituellement). Elle se distingue du concerto grosso baroque par sa forme et par l’utilisation de l’orchestre davantage comme accompagnement que comme force égale et opposée aux solistes. Vers la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe, Paris pouvait s’enorgueillir d’être la ville d’Europe où la vie musicale était la plus riche; des centaines d’instrumentistes de talent réclamaient des concertos à cor et à cri pour pouvoir mettre leur habileté en valeur. Pour satisfaire à cette demande, de même qu’à celle du public qui voulait entendre ces solistes dans des œuvres mélodieuses, les compositeurs produisaient des concertos qui regroupaient plusieurs solistes, embrassant souvent un éventail d’instruments divers. Cette musique était délibérément écrite au goût du jour, souvent dans le seul but de plaire à un public conquis d’avance. Par conséquent, la majeure partie de cette production n’a que peu de valeur artistique, et parmi les quelque 600 sinfonias concertantes écrites à l’époque, bien peu ont survécu.

La symphonie concertante étant essentiellement un phénomène parisien, le titre français paraît approprié; néanmoins, l’usage établi dicte l’emploi de l’italien pour l’œuvre au programme de ce soir, réservant le français à la Symphonie concertante pour instruments à vent de Mozart. Dès le début du XIXe siècle, de plus en plus de solistes se considéraient désormais comme des vedettes et ne voulaient plus partager la scène avec leurs pairs – ce fut la fin de la sinfonia concertante; le Triple concerto de Beethoven et le Double concerto de Brahms sont des sinfonias concertantes qui ne disent pas leur nom, poignants échos d’un passé révolu.

La Sinfonia concertante pour violon et alto, K. 364 de Mozart dépasse de très loin toutes les autres œuvres du genre; c’est un chef-d’œuvre à part entière, digne de figurer auprès de ses plus grands concertos pour piano. C’est une œuvre au souffle épique, d’une profondeur d’expression et d’une éloquence hors du commun. Elle fut composée après (et non pendant) le long séjour de Mozart à Paris vers la fin des années 1770. Autre élément de mystère, on ne sait pas grand-chose de sa genèse ni de sa création, ni même pour qui elle fut écrite; tout ce qu’on sait, c’est que cette œuvre a été composée dans les derniers mois de l’année 1779 à Salzbourg.

La Sinfonia concertante s’ouvre sur un appel maestoso de l’orchestre entier, un son qui saisit aussitôt par sa plénitude et sa richesse inusitées, laissant pressentir le souffle qui portera le mouvement du début à la fin. Cette richesse est attribuable en partie à la division de la section des altos, conférant un surcroît de poids et de couleur à cet instrument au timbre chaleureux. Tout un monde de contrastes se déploie dans la longue introduction orchestrale, où le tutti orchestral s’oppose à d’autres éléments : sons forts et sons doux; accords texturés et ornementations arpégées; sonorités des cordes et celles des vents; austère rythme martial et lyrisme ardent. Les solistes font leur entrée par intervalles d’octave sur un mi bémol soutenu, suivi d’une gamme descendante, un passage dont on a souvent salué la « douceur pénétrante ».

Les idées thématiques fourmillent dans ce mouvement. Les solistes s’en réservent la plus grande part; en fait, le mouvement se distingue par cette absence même de partage d’idées entre les solistes et l’orchestre, bien que celui-ci ait aussi sa part de matériau exclusif. Cependant, les solistes échangent abondamment entre eux, affichant tout au long une parité artistique absolue. Chacun se met de l’avant à tour de rôle; chacun s’exprime pleinement, cède le pas à son partenaire, puis se joint à lui en un dialogue simultané. Le déroulement et la variété de ces dialogues constituent une source de fascination inépuisable.

L’Andante est l’un des mouvements les plus intensément expressifs de Mozart, à l’orchestration sombre, apparenté aux grands airs tragiques du répertoire lyrique. Il est écrit en do mineur, une tonalité rarement utilisée au temps de Mozart, sauf pour la musique au pathos exacerbé et d’une extrême intensité émotive. La première idée principale est exposée d’entrée de jeu, puis développée par les solistes; la seconde, également introduite par l’ensemble des cordes, est l’un des thèmes les plus ravissants et élégiaques de Mozart.

Le troisième mouvement est un rondo, à l’exemple de presque tous les finales de concertos classiques. Enjoué et même exubérant par moments, il n’en reste pas moins empreint d’autant de noblesse et de dignité que les mouvements précédents. Des paires de hautbois, parfois associées aux cors, se manifestent périodiquement. Fait inusité pour un mouvement de forme rondo, on n’y trouve aucun épisode contrasté en mineur, mais la richesse des autres types de contrastes qui foisonnent dans cette œuvre remarquable est telle qu’on remarque à peine l’absence du passage attendu. La Sinfonia concertante s’achève avec la même assurance et la même majesté que celles avec lesquelles elle s’était amorcée plus d’une demi-heure plus tôt.

21-22 novembre 2018 : L’Orchestre du CNA a interprété la Sinfonia concertante de Mozart pour la première fois en 1971, avec Mario Bernardi au pupitre, Walter Prystawski au violon et Lazaro Sternic à l’alto. La plus récente interprétation de la Sinfonia a eu lieu en 2016, sous la baguette de Matthias Pinscher, avec les solistes Yosuke Kawasaki au violon et Jethro Marks à l’alto. Pinchas Zukerman a à la fois dirigé cette œuvre et l’a interprétée comme musicien plusieurs fois au fil des ans. Parmi les violonistes qui ont joué cette œuvre avec lui, on retrouve Itzhak Perlman, Nikolas Znaider et, comme ce soir, Viviane Hagner.

Traduit d’après Robert Markow

EDWARD ELGAR

Variations sur un thème original, opus 36, « Variations Enigma »

Broadheath (Worcestershire), 2 juin 1857
Worcester, 23 février 1934

La première des Variations Enigma, le 19 juin 1899, marque un tournant dans la vie d’Edward Elgar. Ce dernier, alors au début de la quarantaine, était pratiquement inconnu à l’extérieur de son pays natal, l’Angleterre, et était considéré, selon ses propres termes, comme « un homme qui n’avait pas encore fait parler de lui ». Les Variations allaient entraîner un changement radical. Après la création de l’œuvre au mois de juin, Elgar retoucha la partition et étoffa le finale; il constata bientôt que la pièce était jouée de plus en plus souvent devant des auditoires enthousiastes, pas seulement en Angleterre, mais également sur le continent et en Amérique. La renommée d’Elgar s’étendit si rapidement qu’il fut anobli cinq ans à peine après la création des Variations. Il dédia la partition à ses amis qui avaient inspiré l’œuvre.

L’identité des amis qu’Elgar dépeint en musique est justement l’un des aspects de l’énigme du titre. L’œuvre débute par l’exposition d’un thème solennel, suivi de 14 variations, la première brossant le portrait de l’épouse d’Elgar et la dernière, l’autoportrait en musique du compositeur. Ces deux variations encadrent les descriptions orchestrales de 12 personnes ayant joué un rôle important dans la vie musicale ou sociale d’Elgar; les initiales ou le surnom de chacune apparaissent avant chaque variation sur la partition. Au départ, Elgar refusa de dévoiler l’identité des personnes dépeintes, mais il publia par la suite une explication détaillée donnant des indices permettant de les reconnaître.

Les Variations comportent toutefois une autre énigme. Elgar n’a jamais révélé quel était le thème mystérieux et véritable de l’œuvre, se contentant de dire que « dans l’ensemble des variations court un autre thème plus important, qui n’est pas joué ». Ce thème non joué ne se manifestant jamais a confondu le monde de la musique pendant plus d’un siècle. La femme d’Elgar et son ami August Jaeger connaissaient probablement le secret, mais ils l’ont emporté avec eux dans la tombe. Les diverses spéculations ont pris des proportions absurdes. Plus tard au cours de sa vie, le compositeur a donné un indice, déclarant que le thème est « si connu qu’il est étrange que personne ne l’ait découvert ». Des musicologues ont tenté en vain d’établir un lien entre les Variations et toutes sortes de chansons et de mélodies populaires. Ils ont envisagé des thèmes philosophiques (« un autre thème plus important »), tels que l’intimité, l’amitié et la sincérité. Ils ont même évoqué la possibilité que ce soit une farce et que le thème caché n’existe tout simplement pas. L’énigme demeure complète.

THÈME (Énigme) – Le thème est présenté d’entrée de jeu. Il est composé de deux phrases : la première, plaintive et triste, en sol mineur, est énoncée par les violons dans une ligne doucement montante et descendante; la deuxième phrase, en sol majeur, se partage entre les cordes et les bois.

VARIATION I – Sur le même tempo, on nous présente Caroline Alice Elgar, la femme du compositeur, dont la vie fut, selon les mots de celui-ci, « une source d’inspiration romantique et raffinée ».

VARIATION II – Hew David Steuart-Powell, un pianiste avec qui Elgar faisait de la musique de chambre (violon), est décrit ici avec humour comme un musicien faisant quelques exercices d’échauffement.

VARIATION III – Elgar propose la caricature de l’acteur Richard Baxter Townshend jouant le rôle d’un vieil homme dans une pièce de théâtre amateur.

VARIATION IV – Pour la première fois, on entend ici l’orchestre au complet. Selon une personne qui le connaissait, William Meath Baker était un « châtelain au style suranné du Gloucestershire; un érudit […], un homme plein d’énergie ».

VARIATION V –  Richard Penrose Arnold, fils de Matthew Arnold, est dépeint comme un homme sérieux et d’une grande profondeur.

VARIATION VI – Mlle Isobel Fitton jouait de l’alto en amateur et aimait faire de la musique de chambre avec Elgar; le compositeur utilise ici l’alto fort à propos pour décrire cette femme au charme romantique.

VARIATION VII – Dans cette variation, l’architecte Arthur Troyte Griffith joue maladroitement du piano et Elgar s’efforce de l’aider; la conclusion brutale suggère l’exaspération provoquée par l’exercice.

VARIATION VIII – Cette variation dépeint la vie tranquille que menait l’élégante Mlle Winifred Norbury dans sa résidence du XVIIIe siècle à Worcester.

VARIATION IX – Dans la plus célèbre des variations, Elgar rend hommage à August Jaeger avec sensibilité. Le surnom « Nimrod » renvoie au chasseur de la Bible, fils de Cush (« Jaeger » signifie « chasseur » en allemand). La douce chaleur qui imprègne cette musique s’inspire, dit Elgar, « du souvenir d’une longue conversation par un soir d’été au cours de laquelle mon ami Jaeger s’était exprimé avec éloquence – comme lui seul savait le faire – sur la grandeur de la musique de Beethoven, en particulier dans ses mouvements lents ».

VARIATION X – Dorabella (qui devint plus tard Mme Richard Powell) était une femme à la conversation hésitante et aux manières gracieuses. Elgar parlait de cette musique comme d’une « danse à la grâce féerique ».

VARIATION XI – La tradition veut que cette musique renvoie aux cabrioles du bulldog de Sinclair, nommé Dan, lorsqu’il courait vers les rives de la rivière Wye pour y nager à contre-courant, avant d’en sortir en aboyant.

VARIATION XII – Basil G. Nevinson était un autre musicien amateur appartenant au cercle d’Elgar. Il jouait du violoncelle, instrument évidemment en vedette dans cette variation.

VARIATION XIII – Lady Mary Lygon est représentée ici; elle se trouvait en bateau à destination de l’Australie au moment de la composition. Cette douce marine contient des citations à la clarinette de l’Ouverture Mer calme et heureux voyage de Mendelssohn.

VARIATION XIV – Cette fois, il s’agit d’Edward Elgar lui‑même. Le compositeur est dépeint ici comme un homme affirmé et confiant, plutôt que dans l’attitude réservée qui lui était plus coutumière. Les Variations s’achèvent ainsi sur des sonorités triomphales.

Pinchas Zukerman et l’Orchestre du CNA entretiennent une relation de longue date avec les Variations Enigma, qu’ils ont présentées pour la première fois en 2005 et plus récemment en 2013. Plusieurs orchestres invités ont aussi interprété l’œuvre à la salle Southam, dont l’Orchestre national de la BBC au Pays de Galles en 1983 et l’Orchestre métropolitain sous la direction de Yannick Nézet-Séguin en 2015.

Traduit d’après Robert Markow

Artistes

  • chef d'orchestre / alto Pinchas Zukerman
  • violon Viviane Hagner