Cette langue, hétérogène, inédite, bruyante, cacophonique parfois, qui ne demande qu’à être hébergée dans un corps Cette mémoire palpitante, volatile, qui voyage dans le ciel et cherche un ancrage
Cette chair en attente de Verbe qui lui donnera vie, impulsion, mouvement
Ce bruissement de mots qui précède le silence, le noir
Ce moment de vide où tout est suspendu.
Le théâtre existe dans ces creux, ces ombres, ces silhouettes
Dans cet espace vacant où s’inscrira geste, main tendue, surgissement de parole, sa vibration dans l’air et la lumière
Tandis que nous sommes là, silencieux, attentifs, captifs du noir et de la chaleur des autres, prêts à nous ouvrir, à être bousculés
À l’instant où, cœur battant et ventre noué, nous envisageons l’empoignade avec le non-familier, le choc de la rencontre avec l’étranger, qui s’accompagnera peut-être de bataille, de défaite
Qui demandera aussi de céder cette part de nous à laquelle nous nous accrochons violemment comme à nos certitudes, notre passé, notre culture.
Ce n’est qu’après, lorsque nous aurons abandonné la lutte avec l’Autre, que nous aurons cédé face à un nouveau langage, un regard inconnu sur le monde, une inquiétante étrangeté, après donc, quand le bouleversement se sera opéré, qui ne nous laissera pas indemnes
Que nous retrouverons la réalité
Un peu plus humains peut-être. Bridgette Haentjens | Artistic Director