Rêver dans le même sens: Klô Pelgag

Klô Pelgag

Grand amateur de musique canadienne et journaliste bien connu pour ses critiques sur une multitude d’artistes,  Guillaume Moffet est un blogueur invité du CNA. Ancien rédacteur en chef de Voir Ottawa Gatineau et d’Xpress Ottawa, et ex-rédacteur en chef de BRBR sur les ondes de TFO, il est aussi membre du jury du prix Polaris depuis cinq ans, et agit comme collaborateur pour les Prix de la chanson SOCAN et le Prix Prisme du vidéoclip.

Presqu'un an après la parution de son premier album, le célébré L'alchimie des monstres, la Révélation en chanson de Radio-Canada pour 2014-2015 Klô Pelgag fait le point sur une folle première année. Avant d'entamer un autre tronçon de tournée qui la mènera pour la toute première fois au Centre national des Arts le 16 octobre prochain, la jeune pianiste et chanteuse prend quelques minutes pour se confier.

Elle qui allait décrocher à peine 48 heures plus tard six nominations en vue du prochain gala de l'ADISQ, notamment dans la catégorie "Découverte de l'année", Klô Pelgag et tout dernièrement, une autre nomination, cette fois-ci du côté des Prix de Musiqvue Folk Canadienne dans la catégorie auteur-compositeur francophone de l’année; Chloé Pelletier-Gagnon de son vrai nom, n'en avait que faire, des nominations. Non, au moment de la rencontrer, l'esprit est plutôt au réveil cérébral, à la réhydratation du corps (on le suppose) ainsi qu'au test de son qui aura lieu dans les prochaines minutes. Nous sommes au Festival de l'Outaouais émergent (FOÉ) sous un ciel curieusement clément en ce weekend de perturbations météorologiques.

J'aime ça la tournée, affirme-t-elle, une fois assise à l'une des tables de pique-nique mise à la disposition des festivaliers sur le site du FOÉ. Il y a quand même des brèves pauses de temps en temps, ça fait qu'on se repose des fois. Sauf cette semaine."

Cette semaine?

"Oui. J'étais en congé, sauf que j'ai viré des brosses."

Et on peut lui pardonner ces élans hédonistes, elle qui a cumulé spectacles après spectacles tant en sol canadien qu'outre-mer depuis la parution chez Coyote Records (Karim Ouellet, Antoine Corriveau) de L'alchimie des monstres, superbe premier album de piano-pop orchestrale aux idées biscornues, aux arrangements de cordes et de cuivres frénétiques et aux textes d'un surréalisme tonique.

"Ça fait vraiment longtemps que je l'ai écouté, l'album, affirme-t-elle lorsqu'on lui demande ses impressions quant à l'opus. Parce que je le joue tout le temps. Il est drôle. Je me souviens de chaque instant de création de chaque chanson; c'était tellement pas le même mood et la même vie que j'ai en ce moment. Je trouve que j'ai bien fait ça."

En effet. Elle a si bien fait que cette Alchimie s'est classée dans bien des listes de fin d'année de bon nombre de publications dont celle de La Presse.

Portées par des musiques de chambre à la fois folk, baroques et contemporaines, ses mots et sa voix ont déjà le pouvoir de faire «dévier la réalité» dans un univers touffu, parfois absurde, où l'enchantement côtoie la détresse.
- Alain Brunet, La Presse

Et le prochain? Y pense-t-elle déjà? Elle affirme que oui, malgré son horaire on ne peut plus chargé: "C'est dans mes plans pour la prochaine année. J'ai l'habitude d'écrire en solitaire et ces moments-là se font assez rares, ces jours-ci. Mais il faut que je le fasse, j'en ai besoin."

On pourrait supposer que ce prochain album sera le fruit d'une collaboration à plusieurs, comme elle a passé le plus clair de son temps entouré de talentueux musiciens, mais non: "L'album se fera tout seul. Mon frère Mathieu [qui signe les arrangements de L'alchimie] vient tout juste de retourner de France, il habite désormais Montréal; je vais faire l'album avec lui. C'est tellement plaisant d'avoir quelqu'un qui a les mêmes références, qui rêve dans le même sens que toi…"

Le bon vent

Si les prix et distinctions s'accumulent (Bourse RIDEAU, Prix Miroir du Festival d’été de Québec, Festival international de la chanson de Granby, Vue sur la relève, Festival en chanson de Petite-Vallée et Ma Première Place des Arts), des doutes persistent: "Je savais pas si les gens allaient être prêts à accepter ce que je fais. J'en doute encore parfois."

Tout porte à croire, malgré les doutes de la principale intéressée, que ce vent favorable continuera de souffler dans sa direction, à la suite desdites nominations au gala de l'ADISQ de même que son statut nouveau de Révélationchanson Radio-Canada pour l'année 2014-2015, succédant ainsi à son compatriote de label, Karim Ouellet qui était également de passage dans la série CNA Présente l’an dernier.

"La Révélation 2014-2015, ça me fait plaisir. Je suis vraiment super contente, surtout venant de Radio-Canada, qui a été le premier à m'appuyer. Parce que mes tounes jouent pas souvent à la radio; ce sont eux qui les font passer, des fois. En même temps, c'est un drôle de moment d'être sacrée Révélation Radio-Canada. Je sens que je me dois de les soutenu à mon tour, comme ils m'ont soutenu, parce que Radio-Canada, c'est important," confie-t-elle, du bout des lèvres, faisant bien sûr allusion aux vagues de coupures que la société d'état a subi au fil des derniers mois.

Malgré que ce soit son nom qui figure au sein du quatuor complété par Pierre Kwenders (musiques du monde) et Emie R. Roussel trio (jazz) et Kerson Leong (musique classique), qui prendront tous la scène du CNA au cours de la saison 2014-2015, Pelgag, mélomane à ses heures, compte bien faire entendre ses choix de révélations pour cette année: "Ma révélation pour 2014-2015…Hum… J'aime beaucoup Violett Pi," affirme-t-elle.

"Sinon, y'a Les Hôtesses d'Hilaire, ajoute-t-elle. Je suis une grande fan de Serge Brideau [leader de la troupe rock n' roll acadienne], mais aussi de tout le band, je les aime tous beaucoup. C'est un band qui suit tellement pas la mode. C'est le fun, les années 70, j'aime tellement ça. Je trouve ça malade: c'est brut, y'a du "on s'en câlisse"; ça fait du bien. Et c'est le fun de voir des gens vrais dans l'industrie qui font les choses avec leur cœur et qui se prennent pas au sérieux."

"On dirait que des fois que les musiciens doivent être sérieux, crédibles ou intense. Hier, je suis allée voir Les Guerres d'l'amour, un autre band qui fait les choses à contrecourant: c'est funky, super drôle et festif. J'ai jamais été à la mode et c'est le fun de voir ces courants revenir de temps en temps."

Tourne et tourne

Et ce qu'elle a appris au cours des douze derniers mois? De longues secondes s'écoulent avant qu'elle n'affirme: "La patience. Vivre avec des gens. C'est quand même quelque chose. Je suis quelqu'un de solitaire, de casanière, même, parfois. De tourner avec autant de gens, c'était difficile, parfois. Les instants de solitude sont rares; mais j'ai développé des trucs qui m'ont aidé à dealer avec ca. Ça fait ressortir des parties de moi-même, ça en camoufle d'autres qui auront la chance de ressortir une fois le temps venu."

"Je suis tellement contente de mon band, poursuit-elle. Je trouve que c'est difficile de bien s'entourer, j'ai toujours eu cette quête de bien m'entourer, de trouver des gens qui veulent se livrer, qui ont envie de donner beaucoup d'eux-mêmes. J'aime que les spectacles mettent en valeur les musiciens. Pour ça, il faut des bons humains, des beaux humains. J'en ai cinq – Fany Fresard au violon, Lana Tomlin à l'alto, Elyzabeth Burrowes au violoncelle, Philippe Leduc à la contrebasse et Charles Duquette à la batterie – six, avec Guillaume Côté, le technicien de son et je suis vraiment fière de ça. J'ai jamais connu un aussi beau mood de groupe en tournée. C'est vraiment le fun."

Et au cours de ces derniers douze mois sur la route, il est arrivé plusieurs fois que le Klô Pelgag band ait connu des moments de grâce. Le genre d'événements qui s'inscriront dans le journal de bord de ces six individus comme étant inhabituels, touchants ou sordides, mais qui permettront à ce dernier de tisser inévitablement des liens.

"Y'a plein de trucs qui nous sont arrivés. Des trucs drôles qui, sur le coup, étaient pas super le fun, mais qui nous ont fait rire après-coup. Genre… faire la première partie de Marie-Mai. C'était pas si malade… au Festival de la poutine. C'est comme l'extrême opposé back-to-back," s'esclaffe-t-elle, tout en convenant que cela lui aura permis de faire découvrir sa musique à un autre public.

Elle conclut: "Je me souviens, en France, y'a une madame qui préparait des grilled cheese. C'était pas des grilled cheese, mais plutôt des croque-monsieur. Elle s'est mise à insulter Philippe à cause de son accent québécois. Fallait vraiment voir la place: on aurait dit une crack house, la fille avait l'air complètement défoncée, défaite. Philippe essayait de la cruiser en blague; c'était dégueulasse. Et son sandwich était à moitié gelé, il goûtait le poisson. C'était un bon moment, ça nous a fait rire… J'ai censuré l'histoire, tu comprendras…"

Et le reste de l'histoire s'écrira cet automne.


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