Venez donc jouer! ou comment redevenir enfants avec Alice

Natasha Greenblatt © Andree Lanthier
Alice Through the Looking-Glass
Darrell Dennis, Natasha Greenblatt, Herbie Barnes

Normalement, l’enfance disparaît lentement. Devenus adultes, les garçons et les filles gardent en eux quelques bribes de leur enfance. Elle réapparaît parfois le jour, mais plus souvent la nuit. Il semble cependant que chez Lewis Carroll, l’enfance soit demeurée intacte et qu’il pouvait y retourner à sa guise  – ce qui est impossible pour quiconque; il pouvait recréer son enfance et il nous permet ainsi de redevenir nous-mêmes enfants. — Virginia Woolf

Mathématicien, logicien, photographe et homme d’église du XIXe siècle, Charles Lutwidge Dodgson est surtout connu par son nom de plume – Lewis Carroll. Le studieux Dodgson est l'auteur d’Alice au pays des merveilles et de sa suite intitulée De l’autre côté du miroir, célèbres histoires qui lui ont été inspirées par Alice Liddell, une fillette de sept ans qui était devenue son amie.

Malgré l’énorme succès et la grande notoriété publique que ces ouvrages lui avaient valus, sa vie privée demeure un mystère. Amateur de théâtre, il fréquentait le milieu bohème des arts et il semblait très à l’aise en société, mais il ne se maria jamais. Tout au long de sa vie adulte, il fut affligé d’un bégaiement et, malgré sa fortune croissante, il vécut reclus jusqu’à sa mort au Christ Church College à Oxford.

La vie de Dodgson a fait l’objet d’innombrables biographies, spéculations et articles. On peut comprendre la fascination qu’exerce l’histoire de cet homme qui nous permet de « redevenir des enfants », comme le dit Virginia Woolf. Ses livres nous rappellent le pouvoir des souvenirs d’enfance qui s’imprègnent en nous, refaisant surface tout au long de notre vie, parfois intentionnellement, parfois à l’improviste, et qui constituent la base sur laquelle se bâtit notre personnalité.

C’est pourquoi, lorsque nous avons monté le spectacle Alice Through the Looking-Glass, nous avons cherché à « redevenir des enfants » – afin de nous remémorer nos premiers souvenirs et de placer l’enfant que nous avons été et les péripéties que nous avons vécues, au cœur même du processus de création de cette production. Tous les matins, nous avons commencé nos répétitions au CNA par des échauffements, afin de renforcer nos bras, nos jambes et notre ceinture abdominale, en prévision des jeux auxquels nous allions nous livrer. (Le rôle d’Humpty Dumpty nécessite un entraînement du buste et la danse à claquettes exige des cuisses bien musclées!)

Nous avons sauté à la corde et dansé, nous avons appris les uns des autres des chansons absurdes et chaque jour, avant de travailler nos scènes, un des comédiens racontait une anecdote – une découverte de son enfance – une histoire « demeurée intacte en nous ». C’est ainsi que les membres du groupe nous ont parlé de surprises qu’ils avaient manigancées étant enfants – créations théâtrales et spectacles de marionnettes – de leurs rêves de base-ball déçus, de rébellions face à leurs aînés, de farces dont leurs parents et leurs frères et sœurs faisaient les frais… Ensemble, nous avons retrouvé l’enfant que nous étions à sept ans et demi.

Les décors, les costumes, les accessoires et l’environnement sonore du spectacle Alice Through the Looking-Glass que vous allez voir aujourd’hui sont ceux de la production présentée au printemps dernier à Stratford, mais la distribution est totalement différente, puisque la pièce est interprétée par l’Ensemble 2014/2015, auquel sont venus s’ajouter des artistes d’Ottawa et d’autres régions du pays. L’équipe de comédiens est également plus nombreuse et l’histoire est différente – ce qui est parfaitement en accord avec l’autre côté du miroir!

De cette reconfiguration émerge une nouvelle histoire qui est le reflet de l’expérience et de l’interprétation de ces artistes et des réactions particulières du public au Centre national des Arts. Ce spectacle d’Alice ne ressemblera à aucun autre. Et l’an prochain, quand il sera présenté ailleurs, notamment au Centre des arts de la Confédération, dans le cadre du Festival de Charlottetown, l’histoire évoluera pour s’adapter aux nouveaux publics auxquels elle sera proposée.

Que nous soyons interprètes ou spectateurs, nous participons tous à l’histoire de cette production magique et nous demandons aux enfants que nous étions à sept ans et demi s’ils veulent bien venir jouer dehors.


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